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L'étalement des stationnements

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Rédigé par Stéphane Blanchet

         Les stationnements sont un problème qui est apparu avec l’avènement de la voiture. Ils sont de plus en plus gros, étant donné que le parc automobile augmente chaque année et donc, la demande ne fait qu’augmenter. Bien que les transports en commun se sont beaucoup améliorés, l’automobile reste le moyen de transport le plus privilégié et ancré dans les valeurs nord-américaine. Cette surabondance de stationnements asphaltés crée plusieurs problèmes en matière de design urbain dans nos villes.


          Cette problématique d’étalement des stationnements entraine différents enjeux sur le plan urbain. Par exemple, ces grands stationnements contribuent grandement à fractionner l’espace urbain par son manque d’esthétique et par les trous qu’il laisse dans le tissu urbain. L’étalement des stationnements crée aussi certains problèmes environnementaux. En effet, la rétention de l’eau par les surfaces asphaltées peut être un problème. Les changements climatiques nous apportent des précipitations plus abondantes. Un stationnement est comme un bassin qui retient l’eau et cela peut être problématique. Ces stationnements contribuent aussi à l’augmentation de l’effet d’ilot de chaleur créé par les grandes surfaces asphaltées noire. De plus, ils ont un coût très important pour l’entretien et pour la construction de ceux-ci. Finalement, ces concepts seront illustrés par le projet du Quartier Vauban de Fribourg-en-Brisgau, en Allemagne. Ce compte rendu de lecture mettra en lumière les différents arguments des auteurs tels que Eran Ben-Joseph, John A. Jakle, Keith A. Sculle, Will Toor et Spenser W. Havlick.

               Ces grandes surfaces de stationnement contribuent aussi à fractionner l’espace urbain, selon Jakle et Sculle (2004). Ils soutiennent que « Nothing fragmented urban space more than the parking lot » (Jakle et Sculle, 2004, p.8). L’étalement des villes a engendré l’intensification de la congestion du trafic dans les centres-ville, occasionné généralement par un manque de stationnement. Donc, dans les milieux urbanisés, les stationnements sont souvent le résultat de la démolition de vieux bâtiments qui sont désaffectés. Ces vieux bâtiments sont devenus difficiles à louer et l’évaluation de ceux-ci dégringole. On recouvre alors le terrain d’asphalte et on y fait un stationnement. Selon les auteurs Jakle et Sculle (2004), la place de la voiture prend alors le dessus sur l’espace pour le piéton. Dans le cas du centre-ville de Los Angeles, 38 % de l’espace est occupé par des stationnements hors route et 28 % est destiné aux routes. Donc, la place occupée par la voiture s’étend à plus du deux tiers de l’espace. Cette constante augmentation des surfaces de stationnement crée un appétit insatiable pour avoir encore plus de stationnements (Jakle et Sculle, 2004). Les auteurs Jakle et Sculle (2004) soutiennent qu’une personne a besoin de trois espaces de stationnement, une à la maison, une au travail et une autre au centre commercial. Malheureusement, « asphalt too frequently wins over architecture » (Jakle et Sculle, 2004, p. 244). Selon Jakle et Sculle (2004), les stationnements sont aussi des barrières pour le mouvement des piétons. Le défi, selon les auteurs, est de créer une expérience pour le piéton. On doit le voir comme un espace public. Il doit y avoir des fonctions comme un espace extérieur qui favorise les interactions sociales. La marche à pied dans les allées doit être agréable. Par exemple, les allées peuvent être légèrement courbées. De plus, les matériaux de pavage peuvent être différents pour créer un rythme et du mouvement. Il peut y avoir de la végétation et différents éléments placés à divers endroits focaux. Ils soutiennent que le « Landscaping could help maintain nature’s balance » (Jakle et Sculle, 2004, p.111).





       Pour ce qui est de la grosseur des stationnements, Eran Ben-Joseph (2012) soutient qu’ils sont généralement trop gros. La réglementation aux États-Unis suggère qu’il faut quatre espaces de stationnement pour 1000 pieds carrés de l’aire du bâtiment. Cependant, selon des études réalisées, Ben-Joseph (2012) soutient que lorsqu’il y a des pointes d’achalandage, c’est-à-dire durant les vacances et la période du temps des fêtes par exemple, seulement 2 à 3 cases de stationnement sont utilisées par 1000 pieds carrés de l’aire du bâtiment. Donc, il a tendance à penser que les aires de stationnement sont plus grandes qu’il serait nécessaire. Certaines études indiquent même qu’il y aurait dans certaines villes américaines une moyenne de 8 espaces de stationnement par véhicule.





          Selon Ben-Joseph (2012), les stationnements sont des lieux de sociabilité et de rencontre entre les gens. Par exemple, ils sont souvent utilisés par les adolescents. Ils y vont pour montrer leur voiture et son moteur, discuter et séduire. Les « tailgates » sont aussi des activités très répandues sur les campus américains. On y mange et il y a une certaine ambiance à la fête. Ce sont même des espaces où il peut y avoir des marchés. Il soutient que :



         Â« Parking lots, with their intended and unintended usages, are a found place.

         They are the unplanned urban rooms that fill physical and mental gaps in our

         designed environment. Places where counter-interactions and social occurrences

         are happening on a daily basis » (Ben-Joseph, 2012, p. 39).

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     Finalement, Jakle et Sculle (2004) soutiennent que cet étalement des stationnements et cette perte d’espace sont reliés à la grande utilisation des Nord-Américains de la voiture. Ce gaspillage de terrain pour en faire des stationnements a résulté à des espaces urbains moins intéressants destinés à la voiture au détriment des habitants. Cependant, les stationnements doivent tout de même être accessibles partout pour les gens qui se déplacent en voiture. Leur aménagement doit être imaginatif pour qu’ils soient agréables et contribue à améliorer l’aménagement urbain. L’élimination complète de la voiture dans certains quartiers n’est pas la solution. Selon Jakle et Sculle (2004), cela crée des endroits ennuyants, avec des espaces sans vie. Il y a des gens seulement durant les heures de pointe et les lieux sont presque vides le reste du temps. La nuit, ces lieux peuvent être même dangereux, car il y a un manque de surveillance par les gens. Bien qu’il y ait un certain achalandage de piétons, il manque le mouvement des voitures. Pour régler ce problème de l’étalement des stationnements, une réglementation par le gouvernement basé sur les besoins du stationnement des citoyens est nécessaire.







Les problèmes environnementaux



    Cette surabondance de stationnements crée plusieurs problèmes environnementaux dans nos villes. En effet, les stationnements sont des sources de pollution pour l’eau et l’air. La rétention de l’eau par les surfaces asphaltées peut être un problème. Les changements climatiques nous apportent des précipitations plus abondantes. L’asphalte qui est généralement utilisé n’est pas perméable à l’eau. Donc, un stationnement peut devenir comme un bassin qui retient l’eau lorsque les égouts ne suffisent pas à contenir le surplus d’eau et cela peut être problématique. Comme le souligne Eran Ben-Joseph (2012) dans son livre « Rethinking a lot », l’huile et différents métaux que l’on retrouve à la surface des stationnements se retrouvent mélangés à l’eau lors d’averse de pluie et se retrouvent ainsi dans les égouts. Dans le livre « Lots of Parking » de Jakle et Sculle (2004), les auteurs soulignent aussi que les stationnements ont un impact négatif sur l’environnement. Ils soutiennent aussi qu’ils peuvent contribuer à la pollution de l’eau par l’huile, les hydrocarbures et les métaux lourds. Pour contrer le problème de la rétention de l’eau par les stationnements, les auteurs suggèrent l’utilisation de l’asphalte poreux. Ce type d’asphalte plus perméable à l’eau et permets à l’eau de pénétrer dans le sol.

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          Le problème des ilots de chaleur est aussi important. L’ajout de surface asphaltée noire contribue grandement à l’augmentation des ilots de chaleur. Selon Ben-Joseph (2012), l’augmentation de la chaleur peut être de 20° à 40°C plus élevés qu’avec une surface végétalisée. Selon Ben-Joseph (2012), remplacer l’asphalte par une surface gazonnée, en plus d’être plus esthétique, peut régler ce problème.
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             L’éclairage de ces stationnements peu aussi créer des problèmes dans les villes, comme la pollution lumineuse. Comme le souligne Ben-Joseph (2012), plus de lumière ne veut pas nécessairement que le stationnement soit plus éclairé. Il faut que les systèmes d’éclairage soient mieux dirigés et adaptés pour permettre un éclairage plus optimal des stationnements.

Fragmentation de l’espace urbain

          Lorsque l’on parle de stationnement, le mot esthétique n’est pas le premier qui nous vient en tête. En effet, les stationnements ne sont pas conçus à la base pour être esthétiques. Comme le souligne Jakle et Sculle (2004), le stationnement en Amérique n’est pas conçu pour créer une image mémorable dans la ville. Comme l’indique Eran Ben-Joseph (2012), les guides de design définissent de façon très réductrice la fonction des stationnements. Même les guides aussi prestigieux que le « Wiley Graphic Standards » destinés aux étudiants et à tous ceux qui veulent concevoir un stationnement expliquent que les stationnements sont des lieux qui doivent être fonction avant d’être esthétique. Il est donc vu comme un espace fonctionnel qui doit seulement servir d’accès facile et direct entre la voiture et l’entrée du bâtiment. De plus, il n’y a pas d’indications quant aux méthodes de design pour l’ajout de végétation ou de principe favorisant le développement durable.

Coût pour l’entretien et pour la construction des stationnements


                La construction des stationnements a un cout qui n’est pas négligeable. En effet, bien que le cout de la surface asphalté ne soit pas très dispendieux, le cout d’acquisition de ces terrains peut l’être. Selon Ben-Joseph (2012), le cout d’une case de stationnement peut atteindre 10 000 $. L’opinion de Ben-Joseph (2012) est que le cout potentiel de l’utilisation de ces sites pour en faire des stationnements serait plus élevé que le revenu de l’exploitation de ces stationnements. Bien sûr, le cout varie en fonction du contexte où est situé le site. Par exemple, dans des espaces de remplissage, le cout potentiel de ceux-ci peut être très élevé, car chaque espace de stationnement sur le site peut réduire le nombre de nouvelles unités d’habitation qui pourrait être construite. Le cout plus élevé de ces espaces empêche en quelque sorte d’éviter un surplus d’utilisation de ces sites pour en faire des stationnements.





                Le problème de cout et de l’entretien des stationnements dans les campus sont très importants. Dans le livre « Transportation & Sustainable Campus Communities », les auteurs Toor et Havlick (2004) soulignent que le besoin pour les stationnements va toujours en augmentant. Le cout pour agrandir ces stationnements est très élevé, car il faut aussi le cout d’entretien que ceux-ci entrainent. Parfois, il peut être plus avantageux à inciter les gens à ne pas utiliser la voiture, et donc les stationnements. Comme incitatif, par exemple, on donne des laissez-passer pour prendre l’autobus ou on installe plus de supports pour les vélos. Cette façon créative permet d’économiser de l’argent et de réduire le besoin de stationnements pour l’établissement scolaire tout en encourageant le transport en commun.

Quartier Vauban de Fribourg-en-Brisgau


              Bien que l’abolition du stationnement ne soit pas nécessairement souhaitable selon les auteurs Jakle et Sculle (2004), la réduction de ceux-ci permet de régler certains problèmes qui ont été soulevés. Certains quartiers limitent l’utilisation de l’automobile et ont des stationnements incitatifs à l’extérieur de ceux-ci. Un exemple de ce genre de projet urbain est celui du Quartier Vauban de Fribourg-en-Brisgau, en Allemagne. Ce quartier était occupé autrefois pour la Seconde Guerre mondiale. Il a été reconverti en écoquartier. La place de la voiture a été grandement repensée. Les places de stationnement à l’intérieur du quartier pour les habitants sont possibles pour seulement 25 % des logements. Les autres habitants peuvent se stationner dans les deux stationnements étagés situés à l’entrée du quartier. Ce principe permet d’avoir plus de terrain pour la construction d’habitations. De plus, il y a une plus grande superficie pour des espaces verts. Les rues dans le quartier ne sont pas éliminées. La circulation automobile y est permise, mais à vitesse réduite. De plus, les rues sont moins larges. Donc, ces ruelles peuvent aussi servir aux enfants pour jouer. Le transport en commun est aussi encouragé, car le quartier est relié au centre-ville par un tramway. Au début, ce principe a suscité beaucoup de doutes. Cependant, ce concept semble très bien fonctionner. Une attention a été aussi portée aux écoulements des eaux de pluie et à la perméabilité des sols. Il n’y a que très peu d’asphalte. Ainsi, du dallage est ajouté lorsque nécessaire pour permettre la pénétration de l’eau dans le sol. Des surfaces en gravier ou en gazon sont privilégiées pour créer cet effet.

Conclusion



               Pour conclure, l’étalement des stationnements est une problématique, mais il existe des solutions pour amoindrir les problèmes que ceux-ci engendrent. Les différents auteurs des livres mis en lumière dans ce compte rendu de lecture en suggèrent plusieurs. Bien que les stationnements fragmentent l’espace et ne sont généralement pas esthétiques, il est tout à fait possible d’en concevoir qui sont plus agréables. Il faut juste que les stationnements soient perçus comme des éléments importants de design urbain et pas juste des surfaces de remplissage. Les impacts écologiques des stationnements sont multiples et comme les auteurs l’ont soulevé, mais il existe aussi des solutions. Une meilleure réglementation et une meilleure politique de design peuvent contribuer à rendre les stationnements des endroits plus agréables, favoriser les interactions entre les gens et qu’ils soient plus écologiques.

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Sources :


Monographie:

  • BEN-JOSEPH, Eran. 2012 Rethinking a lot : the design and culture of parking. Cambridge, Mass. : MIT Press



  • JAKLE; SCULLE, John; Keith. 2004 Lots of parking : land use in a car culture. Charlottesville, VA : University of Virginia Press



  • TOOR; HAVLICK, Will; Spenser. 2004 Transportation & sustainable campus communities : issues, examples, solutions. Washington, D.C. : Island Press, p. 71-96



Site web:





Périodique:

  • DAVIS, Amélie Y. 2010 The environmental and economic costs of sprawling parking lots in the United States. Land Use Policy, vol. 27 (avril), p. 255-261

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  • TAKEBAYASHI, Hideki. 2009 Study on the urban heat island mitigation effect achieved by converting to grass-covered parking. Solar Energy, vol. 53 (août), p. 1211-1223
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