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Les trames vertes et bleues pour l'adaptation aux changements climatiques

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Rédigé par Marilie Perron-Thiffault

          La réalité des changements climatiques n’est plus à discuter.  La planète entière devra s’adapter à ces changements, et comme plus de la moitié de la population vit en milieu urbain, les villes auront un grand défi à relever afin de s’adapter à cette nouvelle réalité.   Selon plusieurs recherches, les trames vertes et bleues pourraient favoriser les villes à s’adapter à ces changements.  Ces trames participent à l’arrivée de la nature en ville.  Celle-ci représente souvent une limite pour la flore et la faune qui s’épanouissent dans les secteurs décentralisés.   La biodiversité est ainsi menacée par la fragmentation des espaces naturels, mais également par la présence importante de l’humain et des infrastructures en ville, qui repoussent les écosystèmes.    Les trames vertes viennent ainsi reconnecter ces espaces naturels pour permettre un meilleur flux des espèces.  C’est plus qu’une simple végétalisation de la ville, c’est une planification écologique et urbaine à l’échelle territoriale.  Nous pourrions comparer ces trames aux infrastructures autoroutières qui relient entre eux, la ville et ses régions périphériques. 


Dans cette perspective, comment les trames vertes et bleues peuvent-elles aider les villes à s’adapter aux impacts des changements climatiques?   Ce texte abordera deux grands thèmes par rapport à ce questionnement.  D’abord, l’aspect du climat sera étudié, présentant les effets des trames vertes et bleues sur les îlots de chaleur, la qualité de l’air et les inondations.  Ensuite, l’aspect de la biodiversité sera abordé, incluant la préservation de la faune et la flore.  Ces aspects seront mis en perspective par la trame verte et bleue qui a été implantée dans la ville de Nantes, en France.

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Du point de vue climatique​


          D’abord, parmi les actions d’adaptation des villes face aux conséquences des changements climatiques, nous retrouvons souvent la lutte contre les îlots de chaleur urbains (Bertrand et Simonet, 2012 : 9).  Ce phénomène désigne une différence importante de température observée entre les milieux urbanisés et les zones rurales avoisinantes.  Les recherches ont démontré que les températures des centres urbains peuvent atteindre jusqu’à 12°C de plus que les régions décentralisées (Voogt, 2002 : 664). Les îlots de chaleur urbains sont donc attribués à la densité.  Pourtant, une ville durable fait aujourd’hui référence à une densification importante, d’où l’idée de limiter l’étalement urbain.  Une forte densité permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre par les limitations de déplacements, entre autre.  La réduction des gaz à effets de serre étant parmi les principales actions menées pour lutter contre les changements climatiques, nous pouvons donc admettre que la densité permet la prévention des changements climatiques.  Dans l’optique que les trames vertes urbaines impliquent une emprise au sol importante, par conséquent, une densité plus faible, ces dernières seraient en contradiction avec les politiques de lutte contre les changements climatiques (Bertrand et Simonet, 2012 : 8).  Or,  une étude de l’Institut de Veille Sanitaire (INVS) souligne que les villes denses sont plus vulnérables à certains épisodes climatiques extrêmes, telles que des chaleurs accablantes aggravées par les îlots de chaleur urbains (Ledrans et Isnard, cité par Bertrand et Simonet, 2012 : 8).  Selon les recherches, il y aura une augmentation moyenne de température de 3°C à 4°C supérieure à aujourd’hui, d’ici 2100, dans les régions de l’hémisphère nord (COMOP TVB, 2010 : 18).  En ajoutant à cela le 12°C d’augmentation causé par les îlots de chaleur, les conséquences pourraient être catastrophiques, d’où l’importance d’adapter les villes à ces effets.  De plus, les îlots de chaleur contribuent à la formation du smog.  En effet, ce dernier est composé de particules fines et d’ozone se formant lors de la réaction entre les rayons du soleil, la chaleur et les polluants (composés organiques volatils) (Akbari et al, 2001 : 296).  Le développement des trames vertes urbaines, qui apporte une importante végétation en ville, crée des îlots de fraîcheur atténuants les conséquences des vagues de chaleur (Bertrand et Simonet, 2012 : 8).  La végétation permet de modifier le climat urbain et d’en améliorer le confort.  Le végétal réduit les îlots de chaleur en absorbant le rayonnement solaire par la masse végétale, traduisant une diminution de la température de l’air et des surfaces environnantes.  Des études mesurant l’écart de température de l’air dans des parcs urbains comparé à des zones construites environnantes révèlent une réduction de la température pouvant aller jusqu’à 6°C.  Les résultats varient en fonction de la taille des parcs et de la nature de la végétation (Musy, 2009).  Les arbres sont également reconnus pour leurs propriétés purifiantes en absorbant le gaz carbonique dans l’air.  L’arrivée de végétation importante en ville, aiderait donc les milieux urbains à dépolluer l’air.   Ainsi, les trames vertes viennent appuyer les politiques d’anticipation des effets des changements climatiques.


Par ailleurs, en faisant référence à l’Europe et à bien d’autres pays nordiques, les modèles climatiques présagent, en plus d’une augmentation des températures, une intensification des risques d’inondations à l’intérieur des terres due principalement à un accroissement des précipitations (COMOP TVB, 2010 : 23).  Le développement urbain entraîne la perte et l’imperméabilisation des sols en les recouvrant pour réaliser des logements, des routes ou autres.   Ceci a des conséquences notamment sur la conservation de la nature mais également la lutte contre les inondations.  En étant imperméable, le sol ne peut remplir sa fonction d’absorption de l’eau de pluie pour l’infiltration et la filtration (IAU, 2011 : 49). La logique se veut que les trames vertes s’implantent le long des cours d’eau qui sont déjà des couloirs en soi, formant ainsi la trame verte et bleue.  Celle-ci apporte des surfaces perméables dans la ville, dont les zones humides.  Celles-ci sont en fait des étendues de terrains habituellement inondés ou gorgés d’eau de façon permanente ou temporaire.  Nous les retrouvons principalement le long des cours d’eau (marais, ruisseaux, rivières, etc.).  Les zones humides ont fortement régressé et se sont dégradées au cours des cinquante dernières années.  C’est dû entre autre à l’assèchement, au drainage, au remblaiement, aux pollutions d’origine industrielle, agricole, domestique et plusieurs autres.  En France, une étude a conclu que 50% des zones humides françaises ont disparu en tente ans.  Pourtant, ces milieux sont d’une richesse biologique hors-pair et fournissent de nombreux services écologiques à la société (COMOP TVB, 2010 : 15).  Parmi ces services, nous retrouvons la diminution des risques d’inondations.  Les zones humides agissent comme des éponges, empêchant des inondations possibles en aval, lorsque la surface est suffisamment proportionnée.  D’ailleurs, une zone humide de 0,4 hectare peut stocker plus de 6000 m³ d’eaux (COMOP TVB, 2010 : 23).    Par conséquent, la création de corridors naturels permet de rétablir des espaces ayant disparus et ainsi permettre aux villes de mieux s’adapter aux impacts des changements climatiques en diminuant les risques d’éventuelles inondations. 
 


Du point de vue de la biodiversité


          En second lieu, « les changements climatiques étant très rapides, de nombreuses espèces n’auront pas le temps d’évoluer et de s’adapter pour survivre localement. » (COMOP TVB, 2010 : 19).  Elles devront migrer dans des zones aux conditions plus favorables, soit au nord ou en région montagneuse, à condition que les zones à traverser soient exemptes d’obstacles infranchissables, telles que les infrastructures routières. La fragmentation des espaces naturels reliée aux infrastructures de transport entraîne souvent la mortalité de nombreux animaux.    La connexion entre eux de tous les milieux naturels permet à une majorité d’espèces de suivre au mieux les variations climatiques et ainsi optimiser leurs capacités adaptatives (COMOP TVB, 2010 : 19).  D’ailleurs, une méta-analyse montre que les corridors naturels continus augmentent en moyenne de 50% le déplacement des individus entre différentes zones, en comparant avec des zones non connectées (Gilbert-Norton et al cité par Avon et al, 2010 : 36).  Un petit regroupement d’animaux qui serait isolé dans une zone non connectée, pourrait avoir tendance à disparaître pour une raison génétique entre autre.  Une petite population implique souvent la reproduction d’individus proches génétiquement, conduisant à la consanguinité.  Celle-ci engendre des malformations génétiques rendant les sujets en moins bonne santé donc moins aptes à survivre.  Le risque d’extinction de ces populations est donc accru (COMOP TVB, 2012 : 17 et Avon et al, 2010 : 35).  Les couloirs verts et bleus facilitent le mouvement des individus entre différentes aires de répartitions permettant des flux de gènes.  Ces flux permettent de réduire les fluctuations du niveau de population et les risques de consanguinité, diminuant ainsi le risque d’extinction des populations (Avon et al, 2010 : 36).  Pour ces motifs, les trames vertes et bleues améliorent les conditions de la biodiversité et leur permettre de mieux s’adapter aux changements climatiques.

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Nantes : La nature en plein cœur de la ville

En plus des grandes zones agricoles et des corridors, nombres de parcs urbains sont présents en plein cÅ“ur de la ville.  De plus, des petits sous-corridors sont établis par des haies et des alignements d’arbres dans les espaces plus denses reliant encore tous les espaces entre eux.  Le territoire de Nantes possède des zones protégées et classées au titre de Natura 2000 représentant 25% de tout le territoire nantais.  Il s’agit principalement de milieux humides.  Malgré le fait que la ville perd constamment de la surface de terre pour construire, elle tient à ce que la trame verte s’intègre dans l’urbanisme.  Rien ne doit être construit dans ces espaces naturels, il ne doit y avoir aucune coupure pour le bon fonctionnement des trames.   L’objectif de la ville est de pouvoir déterminer les endroits par lesquelles les animaux circulent dans la ville, quels passages urbains sont nécessaires à la vie et aux déplacements des espèces.  Ceci est dans l’optique de futurs travaux d’urbanisme afin de pouvoir planifier des travaux de manière intelligente, qui offre une réelle plus-value à la faune sauvage.  Depuis, le début de l’implantation des trames vertes, les gens observent déjà ses bienfaits sur la biodiversité.  Olivier Lambert du Centre Vétérinaire de la Faune Sauvage et des Écosystèmes des Pays de la Loire affirme que « la plupart des espèces généralistes que l’on retrouve en campagne se retrouve maintenant à l’intérieur de la ville […] » (Couroucé, 2011). Par espèces généralistes on entend tous les mammifères, hormis les très gros comme les chevreuils et les sangliers, ainsi que tous les oiseaux.  De plus, le directeur du Service des espaces verts, Jacques Soignon mentionne que les abeilles et les hérons sont réapparus en ville depuis l’arrivée des trames vertes.  Il se réjouit également à l’idée d’avoir retrouvé des traces de loutre en plein cÅ“ur de la ville (Defawe, 2010).  Ceci vient donc confirmer l’importance de la trame verte dans cette ville qui a d’ailleurs remporté le prestigieux titre de Capitale verte européenne pour l’année 2013.     

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Conclusion


          À la lumière de ce texte, les trames vertes et bleues sont un excellent moyen, parmi tant d’autres, de s’adapter aux impacts des changements climatiques.   Elles permettent de réduire les îlots de chaleur urbains en apportant de la fraîcheur, de purifier l’air des villes et de réduire les risques d’inondations avec ses nombreuses zones humides.  Ces corridors sont créés avant tout pour favoriser une meilleure biodiversité en ville en permettant aux espèces animales et végétales de se déplacer sans obstacles et leur permettre de s’adapter à leur tour aux changements climatiques.  Malgré le manque de données présentant les résultats de différentes implantations de trames vertes, puisqu’il s’agit d’un concept assez récent, les corridors naturels de la ville de Nantes permettent, à tout le moins par observation, d’établir qu’ils sont bénéfiques pour la biodiversité.   En plus d’être un moyen d’adaptation aux changements climatiques, les trames vertes apportent de nombreux bénéfices, tel qu’un meilleur rapport homme/nature, un confort urbain par rapport aux nuisances sonores et plusieurs autres avantages.  Un début de trame verte est déjà implanté le long du fleuve dans la ville de Québec par la promenade de Champlain.  Des projets importants sont également en cours pour la ville de Montréal.  La France a établi une loi (loi Grenelle 1 et 2) qui a comme projet de relier toutes les trames vertes et bleues des villes à l’échelle nationale.  Comme le Québec est une province extrêmement riche en cours d’eau, l’élaboration de trames vertes et bleues à l’échelle de la province, tout comme la France,  serait grandement bénéfique pour protéger notre ressource bleue, indispensable et précieuse aux yeux de la planète entière.  


 

Bibliographie​


AKBARI, H., Pomerantz, M., Taha, H. (2001) « Cool surfaces and shade trees to reduce energy use and improve air quality in urban areas » Solar energy  70 : 95-310.


AVON, Catherine, Laurent Bergès et Philip Roche. (2010) « Corridors écologiques et conservation de la biodiversité, intérêts et limites pour la mise en place de la trame verte et bleue ». Sciences Eaux & Territoires 03, octobre : 34-39


BERTRAND, François et Guillaume Simonet. (2012) « Les trames vertes urbaines et l’adaptation au changement climatique : perspective pour l’aménagement du territoire». VertigO – La revue électronique en sciences de l’environnement, mai : 16 p. [En ligne], Hors-série 12 | http://vertigo.revues.org/11869 (Page consultée le 22 novembre 2012)


COMOP TVB (Comité Opérationnel Trame Verte et Bleue du Grenelle Environnement), (2010) Trame verte et bleue. Proposition issue du Comité Opérationnel Trame verte et bleue en vue des Orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques. Premier document en appui à la mise en oeuvre de la Trame verte et bleue en France, Version consolidée par l’Etat, MEEDDAT, Paris, Juillet : 52 p.


COUROUCÉ, Jérôme. (2011) « Nature en ville : La trame verte et bleue de Nantes Métropole » Nantes : Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie. 18min51 [En ligne] http://www.developpement-durable.gouv.fr/-La-Trame-verte-et-bleue,1034-.html  (Page consultée le 24 novembre 2012)


DEFAWE, Jean-Philippe. (2010) « Nantes se rêve en capitale verte de l’Europe » Le Moniteur : Actualité. Juin [En ligne] http://www.lemoniteur.fr/135-planete/article/actualite/704424-nantes-se-reve-en-capitale-verte-de-l-europe#6550689  (Page consultée le 24 novembre 2012)


IAU (Institut d’Aménagement et d’Urbanisme) (2011) La multifonctionnalité des trames vertes et bleues en zones urbaines et périurbaines, rédigé par François Dugeny. Paris : Institut d’Aménagement et d’Urbanisme, 180 p.


MUSY, Marjorie.  (2009) « Le végétal en ville : un régulateur du climat ? » In Jardins, environnement et santé : 11e colloque scientifique de la SNHF, (Nantes, 15 mai 2009) Paris : Société Nationale d’Horticulture de France


VOOGT, J.A. (2002) « Urban heat island ».  Encyclopedia of global environmental change 03 : 660-666

          Nantes est une commune de l’Ouest de la France.  Elle dispose de plus de 250 km de rivière et 47 ruisseaux.  Elle possède un patrimoine naturel exceptionnel qu’elle protège et valorise.  Elle vise la recherche d’un équilibre entre les espaces urbains et ruraux.  Nantes est très privilégiée en termes d’espaces naturels.  Tous les habitants de la ville habitent à moins de 300 mètres d’un espace vert.  Nous y retrouvons plus de 3366 hectares d’espaces verts, représentant 57 mètres carrés par habitant.  Cela représente en fait les 2/3 du territoire dans la ville.  Cette proportion est soit à vocation agricole, soit à vocation naturelle.    Au départ, le but était de créer une ceinture agricole autour de la ville pour ainsi freiner l’étalement urbain.  À partir de ces zones agricoles, des couloirs verts ont été instaurés le long des cours d’eau afin de se connecter ensemble et créer un maillage vert (Voir fig. 1).

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